Vous pourrez trouver ci-joint une brève synthèse sur la conférence : « En 2013, est-il rationnel de prier ? », organisée sous l’égide de Religions pour la paix – France et Carrefour des mondes et des cultures, avec les interventions de :
- Ghaleb Bencheikh Théologien, Islamologue, Président de Religions for Peace – France, Docteur ès sciences et physicien
- Jacques Cusset Père Blanc ayant exercé en Afrique du Nord
- Haïm Korsia Grand Rabbin, aumônier général israélite des armées
Débat interreligieux le 12 septembre 2012 organisé par Religions pour la Paix – France et Carrefour des mondes et des cultures 19, rue Trousseau 75011 Paris.
Ghaleb Bencheikh Théologien, Islamologue, Président de Religions for Peace – France, Docteur ès sciences et physicien
Jacques Cusset Père Blanc ayant exercé en Afrique du Nord
Haïm Korsia Grand Rabbin, aumônier général israélite des armées.
Débat animé par Marc Lebret, Carrefour des mondes et des cultures, Religions pour la Paix – France.
Introduction
D’une manière générale, on parle assez peu de prière aujourd’hui, y compris les croyants eux-mêmes. Certes, la question est délicate et relève en bonne partie de l’intime. Et à l’heure où les sciences et la sécularisation semblent triompher, est-il rationnel de prier ou bien, pour caricaturer, la prière est-elle avant tout « superstition liée aux obscurantismes religieux » ?
Mais que met-on derrière le mot prière ?
La prière est un mode de relation à Dieu. Il en existe plusieurs types :
- Celle pour remercier, rendre grâce à Dieu
- Celle pour demander quelque chose à Dieu
- Celle pour louer, adorer, sanctifier, glorifier Dieu
- Celle pour demander pardon à Dieu.
A propos de la question de l’efficacité de la prière de demande, on peut émettre quelques hypothèses. Une prière pourra être exaucée plus facilement si :
- elle va dans le sens du dessein de Dieu
- celui qui la fait a la foi en Dieu, pense qu’elle peut être réalisée
- celui qui la fait a un certain ‘mérite’ auprès de Dieu
- et il peut y avoir d’autres facteurs.
Une prière peut aussi être exaucée non pas sur le moment, mais après un certain délai de maturation.
Mais comment Dieu intervient-il dans la vie des hommes ? A certains moments, il semble récompenser. A d’autres moments au contraire, certains semblent frappés de manière injuste, faisant quelquefois des « martyrs » d’une cause donnée. La question devient : le martyre, grand ou petit, a-t-il servi à quelque chose ?
La prière garde de toute façon sa part de mystère. Les différentes traditions religieuses reconnaissent aussi l’existence de miracles dans leurs textes ou même dans l’histoire récente. Dans le domaine médical, ceux-ci sont souvent appelés des guérisons inexpliquées dans l’état actuel des connaissances scientifiques. Les religions restent généralement très prudentes sur leur reconnaissance, malgré des pressions populaires fortes. Si on prend le cas de Lourdes par exemple, l’Eglise reconnaît seulement 68 cas, soit moins de 1 % des guérisons inexpliquées enregistrées. La reconnaissance est faite après examen par des médecins croyants et non-croyants et un jury médical international.
Pour le grand rabbin Haïm Korsia, la prière doit être dans le domaine du raisonnable, par rapport à l’espérance de bonheur par exemple. Pour une guérison, il y a un risque d’échec qu’il faut accepter. Pour lui, la prière est une interruption de la vie utilitariste et une mise à disposition de Dieu. Il s’agit d’essayer de se préparer et d’accepter tout, qu’il s’agisse d’un bien ou d’un mal (en tout cas de ce que nous percevons comme tel sur le moment). Dans la tradition juive, la prière a remplacé le sacrifice et se fait souvent en groupe. Il cite également Bernard de Clairvaux selon lequel « la prière c’est l’œuvre de ses mains ». Elle peut se faire dans toute action quotidienne.
Le Père Jacques Cusset commence par citer Jean-Paul Willaine, docteur ès sciences religieuses : « le souffle, à la source de soi-même, c’est le doigt de Dieu. Chacun cherche le sens de sa présence ». Selon Jacques Cusset, la prière est simplicité comme un enfant qui s’abandonne entre les mains de Dieu, au cœur du Père. La prière associe le corps, le cœur, l’intelligence et l’esprit. Cela rejoint la conception de l’islam dans lequel la prière est non pas se soumettre à Dieu (comme cela est souvent mal traduit), mais se remettre à Dieu, s’abandonner à lui.
Pour Ghaleb Bencheikh, il s’agit de laisser la raison raisonnante et d’admettre la raison émergente dont parle Mohamed Arkoun, celle qui allie les ressources inventives de la techno-science et l’invariant besoin de transcendance. Il cite également Claude Lévi-Strauss qui indique que « dans l’irrationnel apparaît du rationnel ». La prière devient un besoin dans un espace temps consacré. Il s’agit d’être à l’écoute de ce qui chante au fond de soi-même. Sur le chemin de Compostelle, on prie avec ses pieds, avec ses cinq sens. Il s’agit de creuser son désir de Dieu. « Dieu prie en moi avec l’esprit saint. Je ne prie pas, je l’aime ».